Article PEPS magazine d’octobre 2019
Un article sur Coeur d’écolé est paru à l’automne 2019 dans Peps Magazine, la revue de la parentalité positive.
Un beau témoignage de Marianne, qui donne sa vision de notre école !
Vous pouvez lire l’article ci-dessous, bonne lecture !
Article PEPS Magasine – N° 26 – Automne 2019
Par Marianne Duplat et Paul Descamps
Quand je présente la petite école où j’enseigne comme “alternative”, on me demande aussitôt : “C’est une école Montessori ? Démocratique ? Non ?! Alors c’est quoi, la pédagogie de cette école ?” Pas facile de répondre en quelques mots !
D’abord, Cœur d’école se situe à Pignan, une petite commune voisine de Montpellier. Quinze enfants âgés de trois à treize ans y sont scolarisés au sein d’une classe unique et coopérative, créée à la rentrée 2018. S’il fallait nous mettre dans une case, on se définirait comme en chemin vers la pédagogie “du troisième type”, théorisée et mise en place par Bernard Collot. Au sein d’une classe unique, cet enseignant du public (retraité mais toujours très investi) a longtemps travaillé à faire vivre les apprentissages de manière informelle dans un cadre de vie collectif. Pas de recette ici, plutôt un “état d’esprit”.
A Coeur d’école, on cherche ainsi à créer une école ouverte et mouvante, qui “contribue à la construction de l’enfant en adulte autonome, disposant des outils de l’autonomie pour agir dans une société où il ne sera pas passif” [voir ici].
Pour y parvenir, on s’attèle avant tout à créer un environnement riche, varié, vivant et adapté à tous les enfants, dont ceux aux besoins particuliers (atteints d’un handicap, diagnostiqués “à haut potentiel…). Par “environnement”, j’entends l’espace mais aussi et surtout des temps, des activités, des échanges. Pour cela, nous (les enfants, les parents, l’équipe) sommes en évolution permanente. On crée ensemble, on fait, défait, essaie différemment, on s’adapte aux besoins de chacun et à ceux du collectif : ce processus de tâtonnement expérimental fait émerger apprentissages et compétences dont les élèves se saisissent à leur rythme.
Pour s’adapter aux besoins de chacun, nous avons pris le parti d’une certaine flexibilité dans l’approche pédagogique, les activités proposées ou les différents “temps” de la journée.
Les outils que nous mobilisons sont divers et issus de courants pédagogiques différents. Matériel Montessori, journal scolaire et gestion coopérative « à la Freinet », importance du lien à la nature comme chez Steiner, ateliers d’Histoire plus traditionnels… tout cela trouve sa place, sans dogmatisme, car chaque pédagogie doit rester un moyen et non une fin !
Une structure….évolutive
Dès l’écriture de notre projet pédagogique, la question du caractère obligatoire ou non des différentes activités proposées s’est posée. Après discussions entre membres de l’équipe, parents et enfants, nous avons décidé de poser un cadre, une structure à la journée de classe.
Une journée s’articule autour de différents temps, durant lesquels l’enfant est créateur de son parcours de manière responsable et autonome. Certains sont dédiés à des projets menés seuls ou en petits groupes, à des activités que proposent les enfants, un intervenant extérieur ou moi-même. D’autres favorisent les jeux libres : chacun peut laisser libre court à son énergie, à son imagination, petits et grands se mélangeant et collaborant plus ou moins selon leurs besoins et leurs envies.
Enfin, des temps en commun sont obligatoires : la présence à la réunion quotidienne, aux ateliers prévus avec un intervenant, le respect de certaines règles (respecter son matériel et le ranger, assumer des tâches ménagères, manger à table avec les autres, ne pas être violent…), les rituels du matin (exprimer comment on se sent, lire le courrier, découvrir un mot “bizarre”, écouter les “Quoi de neuf ?”…) qui peuvent changer en cours d’année, les présentations des travaux en cours, la météo du cœur…
Au cours de la journée, ces moments se succèdent pour permettre aux enfants de s’épanouir en apprenant. Aucune hiérarchie n’est établie entre les différentes matières, afin qu’un équilibre se crée entre les apprentissages académiques, artistiques, pratiques et ceux en lien avec la nature.
Ce cadre posé, il était nécessaire de lui laisser la possibilité d’être modifié, pour permettre à ceux qui vivent l’école de se l’approprier, de s’y sentir en sécurité sans y être enfermé. Pour mettre en oeuvre ces évolutions, une instance d’expression, de régulation et de décision joue un rôle fondamental : la réunion.
La réunion quotidienne, clef de voûte du “vivre ensemble”
Chaque enfant est amené à en être pleinement acteur en verbalisant ses idées, ses envies, ses remarques ou ses contrariétés, sous forme de propositions qui lui permettent d’agir sur son environnement. Par exemple : “Je propose d’aller à la piscine”, “de changer le titre du journal”, “qu’on trouve une solution pour les enfants qui utilisent des gros mots”, “qu’on achète des feutres avec l’argent de la caisse”, “qu’on annule les ateliers cet après-midi pour aller se promener”, “que telle règle soit modifiée”, “d’arrêter d’utiliser le mot “loser””…
Quand une proposition est formulée, un débat s’ouvre. Si tout le monde est d’accord, elle est adoptée. S’il n’y a pas consensus, une réunion se tient entre le porteur de la proposition et ceux qui s’y opposent afin de trouver un terrain d’entente.
Au cours de l’année, il a de cette manière été décidé que les enfants qui en ressentaient le besoin pouvaient dessiner pendant la réunion, tandis que les plus petits pouvaient lire ou partir. Les tâches ménagères ont été distribuées d’une manière puis d’une autre, dans la vision qui semblait équitable pour le groupe à un instant T.
La gestion de conflit
Toutefois, la réunion ne permet pas d’éviter tous les conflits ! Quand ils surviennent, nous essayons de les résoudre en construisant les rapports humains au sein du groupe. Dans un premier temps, les enfants sont amenés à exprimer leurs sentiments vis-à-vis de la situation éprouvée et à écouter ceux de l’autre. Ensuite, ils essaient de formuler une demande, d’excuse ou de réparation par exemple. Je me rappelle de cette petite fille de 3 ans et demi qui n’osait pas aller jouer à côté d’un groupe de garçons plus âgés : ils lui faisaient peur “avec leurs voix bizarres et leurs grands gestes”. Je l’ai aidée à formuler cette peur aux garçons en question, son besoin de calme, en garantissant un cadre de communication lui permettant d’être écoutée. Même s’ils n’avaient pas imaginé que ce jeu puisse effrayer qui que ce soit, ils pu comprendre ce qu’elle vivait.
Certains conflits se règlent entre enfants, avec ou sans médiation d’un tiers (enfant ou adulte). D’autres se répètent et ne trouvent pas de solution immédiate. A mes yeux, le plus important est que la communication puisse se faire. Que les enfants aient conscience que leur propre subjectivité influe sur leur regard et leurs émotions même s’ils ont le droit d’être en conflit, d’être dérangés par les autres ou de ressentir de la colère. Cette démarche ne résout pas tout mais elle ouvre la porte à une recherche de solution.
Voilà, rapidement, ce que je réponds à celui qui me demande dans quel “type” d’école je travaille…
Nous n’avons évidemment pas trouvé LA réponse à toutes les problématiques éducatives ! Mais nous construisons la nôtre, riche de nos questionnements, un peu sur le principe de la permaculture : en acquérant une connaissance fine de notre environnement et en se servant de nos expériences, tout en ne prenant rien pour acquis !
Une chose dont nous sommes sûrs tout de même : un an après la création de notre école, l’enthousiasme est toujours de mise car tous les élèves scolarisés en 2018-2019 se sont réinscrits. Mieux : deux de leurs frères et soeurs nous ont rejoints à la rentrée… et une dizaine d’autres enfants arriveront en janvier, puisqu’une seconde classe va ouvrir !